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VERS UN INDICATEUR DE LA FRAUDE ELECTORALE

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VERS UN INDICATEUR DE LA FRAUDE ELECTORALE



Rsum : La fraude lectorale est rpandue y compris dans les grandes dmocraties. Dans des situations politiques où peu de voix sparent les candidats elle peut avoir un effet considrable. Après en avoir examin les diffrents aspects on peut songer à la construction dun indicateur de fraude capable den mesurer lampleur.

Mots-clefs : fraude lectorale ; contentieux lectoral ; indicateur de fraude lectorale

Lune des menaces les plus videntes qui pèsent sur les dmocraties nest autre que lexistence de la fraude lectorale. Si le principe de base de la dmocratie est le libre exercice de son vote par le citoyen, toute manœuvre tendant à dvoyer cette libert discrdite le concept même de dmocratie. Au même titre que la dlinquance menace la scurit, la fraude menace la libert. On ne peut que sinterroger lorsquon songe aux consquences mondiales (guerre en Afghanistan, guerre en Irak, credit crunch, etc) de quelques bulletins vraisemblablement falsifis dans quelques counties amricains lors de llection prsidentielle 2000 dans ce pays.

La question devient dautant plus importante que, de plus en plus, majorit et opposition sont, dans les grandes dmocraties, spares par une marge très mince. Les victoires lectorales sont maintenant souvent très courtes, on obtient parfois même de quasi-galits : en Allemagne aujourdhui, par exemple, où une  grande coalition  sanctionne labsence dune majorit nette, en Espagne où le gouvernement Zapatero ne tient que par lappui de petits partis rgionalistes, en Isral où Tzipi Livni na pu constituer de gouvernement, en Autriche où, là aussi, se discute une grande coalition, en Belgique, en Italie, aux Etats-Unis où, jusquen 2008, le Snat se partageait exactement par moiti 49 dmocrates, 49 rpublicains et 2 indpendants. On pourrait multiplier les exemples, de faon encore plus claire si on y incluait des donnes historiques. En France, par exemple, en 1967 comme en 1988, la majorit à lAssemble Nationale na tenu quà un seul siège et, rgulièrement, plus de 100 dputs sont lus avec une avance sur leur adversaire infrieure à 1000 voix.

Cest dire que le problème de la fraude lectorale est dsormais loin dêtre anodin dans la mesure où une fraude, même minime et localise, peut avoir de très importantes consquences sur des lections disputes. La rgularit ou, pour employer les termes juridiques exacts, la  sincrit  ou la  loyaut  - du scrutin devient un paramètre essentiel dans lobservation des processus politiques.

Ce paramètre est pourtant gnralement nglig, voire ni, que ce soit par gêne, par refus de voir la ralit, par crainte de sabaisser à des questions triviales ou de dconsidrer la dmocratie (comme si lexistence de la dlinquance et de lescroquerie ridiculisaient le concept même dchange commercial) ou encore par difficult dobserver un phnomène par dfinition illgal. Cest un tort. Considrer la fraude comme marginale, sans effet, rsiduelle, limite à quelques cas sans importance, nest pas une attitude scientifique, pas plus que de considrer comme anodines quelques cellules cancreuses.

Il y a cependant de nombreuses sortes de fraude. Il est ncessaire de tenter de les rpertorier, de les classifier, pour examiner quels traitements spcifiques peuvent sappliquer dans chaque cas et quelles initiatives peuvent être prises pour les rduire, sans doute diffrentes pour chacune dentre elles.

1 Les pressions externes

On ne peut ici parler juridiquement de fraude. Il sagit pourtant de manœuvres tendant à diminuer la sincrit du scrutin pralablement à celui-ci. On y rangera par exemple lexistence dun appareil de propagande dEtat (dans les dictatures), loccultation par une censure de certaines informations pourtant ncessaires à llecteur pour se forger une opinion argumente (censure de sites web en Chine), limpossibilit de dbats contradictoires (plusieurs pays africains), les entraves à la libert de circulation de certains candidats (en Birmanie par exemple), le rejet de candidatures pourtant lgalement acceptables (Iran), les entraves à la circulation des lecteurs empêchs de se dplacer pour aller voter (Zimbabwe ou Togo), les menaces exerces sur des journalistes somms de se taire ou même emprisonns (cf les recherches du rseau Reporters Sans Frontières qui classent plusieurs dizaines de pays dans cette rubrique), etc. On ne citera que pour mmoire les cas dans lesquels une partie de la population est illettre, ce qui favorise toutes les manoeuvres (par exemple limpression de bulletins de couleurs diffrentes suivant les candidats en jouant sur la symbolique bnfique ou malfique de certaines couleurs face à des lecteurs superstitieux). Toutes ces manœuvres dolosives visent à carter lexpression de lopposition, rduisant de fait le choix dune opinion volontairement mal informe. Les observateurs de scrutins contests, ceux de lOSCE par exemple, tendent à ranger ces comportements dans la même catgorie que la fraude à proprement parler. Si, indubitablement, ils oblitèrent la validit du scrutin, il ne sagit pourtant pas exactement de fraude. Nous proposons de rserver ce dernier terme à ce qui concerne les oprations de vote stricto sensu et non les campagnes pralables au vote.

2 Le corps lectoral

La composition du corps lectoral constitue bien videmment une variable dterminante des oprations de vote et sans doute de la dfinition même de la dmocratie. Peut-on continuer à dcrire lAthènes antique comme le berceau de la dmocratie à cause des dcisions collectives arrêtes par les citoyens runis sur lagora alors que la majorit de la population (enfants, comme partout, mais aussi femmes, esclaves, mtèques) tait exclue de la dcision ? Peut-on parler de dmocratie dans lEurope du XIXe siècle lorsque se pratiquait, dans plusieurs pays, le suffrage censitaire (rserv à la minorit de ceux qui payaient limpt) et uniquement masculin ?

Aujourdhui, dans tous les pays les femmes votent de la même manière que les hommes. Dans tous les pays galement les jeunes ont accès aux urnes à partir dun certain age, certes variable (de 16 ans dans certains Etats à 22), mais personne ninterdit le vote aux jeunes adultes et personne non plus ne propose daccorder le droit de vote aux enfants (une variante tait le vote du père de famille qui, en Espagne, disposait dautant de bulletins quil avait denfants). Le suffrage est partout universel.

Sur quoi peuvent alors porter les contestations ? Sur laccès au vote non juridiquement mais pratiquement.

Un cas typique est celui des machines à voter aux Etats-Unis. De nombreux scrutins sont là-bas regroups le même jour : en novembre 2008 par exemple, lection prsidentielle dans tous les Etats, snatoriale dans 15 dentre eux, pour le Congrès dans tous galement, pour le gouverneur dans 13 Etats, pour le shrif, le district attorney, le maire, le juge, etc, à quoi sajoutent des rfrendums locaux. Le rsultat est que, dans le cas maximal, llecteur devait oprer sur sa machine à voter jusquà 40 choix en même temps, opration qui, en moyenne, requiert plus dune minute. Si lon songe quon prvoyait, dans certains quartiers, une machine par tranche de 750 lecteurs, cela signifie que les oprations de vote pouvaient demander jusquà plus de douze heures ; si tous les lecteurs se prsentaient en même temps, lattente pouvait atteindre cette dure, ce qui, videmment, tait de nature à dcourager les moins patients (ou les plus handicaps). Or, bizarrement, dans plusieurs Etats le nombre des machines à voter tait diffrent dun bureau de vote à lautre ; dans les bureaux rputs acquis à lopposition (par exemple les bureaux des quartiers noirs, votant Obama, dans les Etats rpublicains), on installait trop peu de machines tandis que le vote tait plus ais dans les bureaux  bien-pensants .

Rendre inaccessibles certains bureaux de vote situs dans des zones considres comme hostiles au pouvoir en place est donc une manœuvre  invisible  qui altère cependant srieusement la sincrit du scrutin.

On peut galement manipuler le corps lectoral en refusant linscription de personnes suspectes de  mal voter . Peu après la fin de la sgrgation, en Alabama on avait invent un ingnieux stratagème : on faisait subir aux noirs comme aux blancs sinscrivant pour la première fois un examen sur la connaissance des institutions ; mais les questions poses aux blancs taient, par exemple,  comment sappelle le Prsident des Etats-Unis ?  et aux noirs  quel est le texte exact de larticle 14 de la Constitution ? , à la suite de quoi les noirs se voyaient refuser linscription (rappelons quaux Etats-Unis ce sont les Etats qui lgifèrent sur les conditions de vote et non lEtat fdral). On peut, de la même manière, exiger des documents très complets de certains lecteurs et se montrer beaucoup plus laxiste pour dautres. En Floride ou en Georgie, les maires rpublicains plaaient devant les urnes des policiers, sous prtexte de scurit, en ralit de faon à dcourager llectorat noir (où le taux de dlinquance est très lev : un adulte sur 9 a eu affaire à la police et en conserve de mauvais souvenirs). Dans plusieurs pays europens, dont la France, le vote des tziganes nomades est très difficile en raison de labsence dune domiciliation fixe.

A linverse, un procd courant consiste à  bourrer les urnes . Cest ainsi que la Corse est, à tort ou à raison, une rgion de France rpute pour ne pas rayer des listes les personnes dcdes, de sorte que  on  continue à voter à leur place de longues annes après le dcès lauteur a même entendu un Corse dclarer sans rire :  il est normal que mon grand-père qui est mort continue à voter, ce nest pas parce quon est mort quon change dopinion ! . Aux Etats-Unis en 2008 les dmocrates ont ainsi t accuss davoir fait inscrire de nombreuses personnes  fantmes  sur les listes dlecteurs, listes sur lesquelles on a repr plusieurs nouveaux inscrits appels Mickey Mouse ou Donald Duck ! Pour leur dfense, les personnes accuses ont dclar que la fraude lectorale tait, aux Etats-Unis, une tradition historique ! Une variante du  bourrage durnes  consiste dans lutilisation massive de procurations plus ou moins consciemment accordes (en faisant la tourne par exemple des maisons de retraite ou en recueillant les votes de personnes invalides comme le raconte avec un mlange dhumour et de consternation Italo Calvino dans son livre  La journe dun scrutateur ) ou dans des irrgularits au niveau du vote par correspondance là où il existe (il a t, en France, supprim suite à des prsomptions dchanges de bulletins dans les bureaux de poste).

On considrera comme un cas extrême, pourtant signal à plusieurs reprises sur le continent africain, la situation dans laquelle des lecteurs valablement inscrits sont empêchs physiquement de voter, soit en situant les bureaux de vote très loin de chez eux soit, même, en utilisant la force pour barrer laccès aux bureaux, ce quon a pu observer galement en Egypte.

Enfin, une dernière manipulation consiste à payer des lecteurs pour quils votent comme on le dsire. Cest gnralement interdit et la loi qui proscrit en France tout signe de reconnaissance et impose le passage par lisoloir sous peine de nullit vise à empêcher quun lecteur puisse montrer comment il a vot. Cependant, on connait des cas dans lesquels des suffrages de tziganes ou dautres communauts ethniques ont t achets par centaines en change demplois municipaux ou de sommes dargent. Aux Etats-Unis, le vote pour John Kennedy en 1960 dans un Etat dcisif a t, notoirement, achet par son père aux chefs de la mafia locale et la corruption des lections par Tamany Hall, la mairie de New-York, ou par la mairie de Chicago taient lgendaires au temps de la prohibition. De la même manière, la mafia italienne pèse très lourdement sur la vie politique de ce pays dans la mesure où, par divers procds, elle contrle largement les votes dans les rgions du Sud et fait lire et dsigner jusquau sein du gouvernement des personnes qui ne lèseront pas ses intrêts. Cest dire que la corruption du monde politique est corrlative de la fraude organise ainsi que la montr lopration mani pulite en Italie.

3 La fraude au moment du vote

A lchelle individuelle, la technique minimale consiste à coller troitement deux bulletins ou plus dans sa main et à les glisser en même temps dans lurne. Lauteur de ces lignes a entendu une personne, qui avait même t maire de son village, lui dclarer avec fiert :   de toute ma vie, je nai jamais mis dans lurne un seul bulletin  ! Le rsultat est quau dpouillement on dcouvre plus de bulletins quil ny a eu de votants. Mais à qui les attribuer ? Il arrive quon limine alors quelques bulletins blancs pour diminuer le nombre de bulletins trouvs dans lurne et obtenir ainsi un rsultat plus conforme à ce quil aurait dû être. Les moins scrupuleux des prsidents de bureau de vote, peu soucieux davoir des ennuis avec le tribunal administratif, cochent au hasard quelques noms dabstentionnistes pour que le nombre de bulletins et le nombre dmargements coïncident.

A un degr plus large, le même type dopration illgale est parfois utilis en jouant sur labstention. Dans les pays où les registres sont tenus manuellement, ils sont rutiliss, en France par exemple, pour plusieurs scrutins successifs. Il est alors facile de reprer qui vient voter à chaque occasion et qui nest jamais venu voter depuis plusieurs annes pour quelque motif que ce soit : maladie invalidante, dsintrêt, vieillesse, ou absence de longue dure. On peut alors soit se prsenter en lieu et place de ces personnes ce qui demeure risqu si les identits sont correctement vrifies soit, avec la complicit du prsident du bureau de vote, profiter dun moment où le bureau est vide pour signer rapidement de nombreuses cases et faire entrer dans lurne autant de bulletins. Si, par malheur, la personne pour qui on vient de voter sans quelle le sache se prsente tout de même, on allèguera une erreur matrielle, quelquun qui na pas sign au bon endroit.

Dautres mthodes plus artisanales, et même folkloriques, sont couramment pratiques. Bien connu est le procd qui consiste à faire annuler de nombreux bulletins en les tachant volontairement (en France, un bulletin macul est considr comme nul). Un maire du Languedoc tait jadis connu (dans les annes 1960) pour se salir les doigts dune seule main et, au dpouillement, prendre les bulletins en sa faveur de sa main propre et les bulletins de lopposition avec sa main sale pour les brandir aussitt en faisant remarquer que, tachs, ils taient donc nuls. On peut aussi se munir de bulletins quon cache sur soi, prêts à les glisser dans lurne si, un instant, elle chappe à la surveillance un lu des Pyrnes-Orientales, en France, a ainsi t attrap en 2007 avec des bulletins dans ses chaussettes !, ce qui a entrain lannulation du scrutin de la ville de Perpignan.

Toutes ces fraudes sont ventuellement susceptibles dêtre reconnues sil est possible de vrifier les bulletins. Ce nest pas le cas avec les machines à voter, puissant instrument de falsification des scrutins dès lors quil est impossible de recompter les votes comme la montr llection de George W. Bush en 2000, les counties contests de Floride tant quips de machines à voter ou de poinonneuses de bulletins dfectueuses.

4 La fraude au moment des rsultats

Enfin, un moment très sensible demeure linstant du dpouillement. Cest ici que surviennent la plupart des incidents : enveloppes changes après louverture de lurne (individuellement ou par paquets de 100 lorsque le règlement, comme en France, impose de ranger dabord les bulletins avant dcompte dans des enveloppes rcapitulatives) ou même carrment change durnes entières, bulletins substitus par des scrutateurs,  pannes dlectricit  opportunes à linstant où on dpouille ou, plus artisanalement, chauffoures  spontanes  dans le bureau entrainant le renversement des urnes ou des tables de comptage,  erreurs  de dcompte, invalidation de bulletins considrs comme non-conformes (la jurisprudence du contentieux lectoral sur ce sujet compte, en France, des dizaines de pages darrêts de tribunaux, tous les cas possibles stant prsents car lingniosit des fraudeurs est sans limites) ou, à linverse, validation de bulletins douteux, quand ce nest pas franchement une manipulation des rsultats au moment de leur regroupement au niveau central un très long dlai entre le collationnement des rsultats par la commission lectorale centrale et leur proclamation officielle nest jamais un bon signe. On ne signalera que pour mmoire le cas des dictatures dans lesquelles les rsultats proclams nont à lvidence aucun rapport avec lopinion relle des citoyens.

5 Les moyens de lutte

La lutte contre la fraude ncessite en premier lieu une volont politique de la part des autorits (ainsi que de la justice et de la police) et une surveillance possible de la part de la population (lecteurs, reprsentants des candidats, partis politiques, mdias). Si ces conditions ne sont pas remplies, la fraude devient impossible à contrler. Cest dire que la lutte contre la fraude est pratiquement inoprante dans les dictatures ou dans les rgimes autoritaires. On peut même considrer la ralit dune lutte contre la fraude comme une condition de la dmocratie et comme un critère dcisif du classement dun pays en dmocratie.

Pratiquement, la lutte contre la fraude requiert une culture anti-fraude de la population. Aussi longtemps que la fraude est considre comme  normale ,  folklorique ,  traditionnelle ,  invitable , ainsi quon peut lentendre ici ou là, elle est excuse et rencontre dinnombrables complaisances et même de nombreuses complicits. Dans un tel contexte culturel, tout le monde fraude et il sagit seulement, en utilisant les mêmes moyens, de ne pas se laisser dpasser par lampleur de la fraude de ladversaire. Si, en revanche, la fraude est moralement fltrie par lensemble de la population elle devient beaucoup plus difficile et se trouve bien plus facilement dmasque et condamne. Or une telle culture est longue à acqurir dans les pays qui nont pas dancienne tradition dmocratique.

Une autre condition est le libre accès aux bureaux de vote des reprsentants des candidats, des journalistes, des observateurs ; lOSCE, par exemple, envoie des observateurs dans tous les pays membres pour dmasquer les fraudes au niveau international. Le fait de refuser des observateurs internationaux ou de gêner leur travail peut être considr comme une claire prsomption de fraude massive.

Il faut enfin que les fraudeurs puissent être arrêts par une police qui ne soit pas partisane et, le cas chant, dfrs devant une justice neutre et quitable. Cest pourquoi toutes les grandes dmocraties ont prvu des dispositifs lgaux de recours en cas de contestation de llection. Aux Etats-Unis, cest la Cour Suprême qui a arbitr le litige autour des bureaux de Floride lors de llection prsidentielle de 2000 (mal arbitr, dailleurs : un pool de journaux indpendants a entrepris un recomptage scrupuleux des bulletins contests et conclu que Al Gore avait en ralit nettement remport et lEtat de Floride et llection prsidentielle ; mais ce rsultat, très dtaill et argument sur des donnes incontestables, devait être publi dans la presse le 13 septembre 2001 ! 48 heures après la tragdie du 11 septembre, les journaux ont diffr ces rvlations pour ne pas nuire à lunit dune Amrique agresse et, finalement, guerres en Afghanistan puis en Irak senchainant, le texte na jamais paru). En France, de la même manière, les tribunaux administratifs arbitrent les litiges locaux et le Conseil Constitutionnel veille à la rgularit des lections nationales (Parlement et Prsident). Ce nest pas une sincure : pour llection de 577 dputs, entre 100 et 300 contestations sont dfres devant lui suivant les annes et, rgulièrement, plusieurs lections sont annules pour fraude ou irrgularit (jusquà 11 certaines annes). Pour llection prsidentielle de 2002, les rsultats de 4 bureaux de vote ont t annuls (deux outre-mer et deux dans la rgion parisienne, ce qui na rien chang au rsultat final). En 1974, le prsident du Conseil Constitutionnel a runi les directeurs de campagne des principaux candidats et leur a indiqu que si une fraude dans les bureaux doutre-mer (où elle tait frquente) inversait les rsultats de la France mtropolitaine le Conseil Constitutionnel nhsiterait pas à annuler lensemble de llection ce qui a eu pour rsultat des fraudes moins importantes cette fois-là dans les bureaux où elle tait courante. Enfin, il faut encore que la fraude ait des consquences lourdes pour ceux qui la pratiquent. Cest ainsi quen France comme dans dautres pays europens la fraude est un dlit pnal qui peut entrainer des condamnations à des peines de prison de plusieurs annes.

Cest dire que la fraude ne peut être maitrise que si les autorits, en particulier les autorits judiciaires mais soutenues par les autorits politiques et par ltat desprit de la population sont rsolues à lliminer quel quen soit le prix politique. Si celui-ci parait trop lev (inversion de majorits, puration de certains partis, etc) alors la fraude peut continuer à prosprer.

6 - Lorigine de la fraude

Si lon excepte des fraudes purement locales (au niveau municipal par exemple) ou les irrgularits rsultant de comportements strictement individuels, les fraudes de quelque ampleur ncessitent toujours la collaboration des autorits organisatrices du scrutin : gouvernement et ventuels organismes de contrle, parti majoritaire (le cas chant appuy sur des milices armes comme au Zimbabwe ou sur la police comme en Egypte), prsidents et personnel administratif des bureaux de vote et des bureaux chargs dorganiser les lections. Pour des raisons techniques : lorganisation du bureau de vote permet ou non la fraude, la facilite ou linterdit, les modalits du vote (urnes transparentes ou non, machines à voter, aspect des bulletins, organisation du dcompte, etc) sont galement des lments qui rendent la fraude aise ou malaise. Enfin, les systèmes de contrle dpendent de lautorit politique ou judiciaire suivant la lgislation en vigueur et la fraude est videmment plus courante lorsque larbitre est à la fois juge et partie.

Cela signifie que lorganisateur de la fraude est presque toujours à rechercher auprès du pouvoir en place, quil soit municipal ou national, ou requiert au minimum sa complicit passive. Une majorit trop massive (par exemple jadis dans les pays communistes, en Tunisie, en Birmanie, etc) est gnralement lindice certain dune fraude organise. Mais la tentation de recourir à la fraude est souvent prsente même dans des socits au très long pass dmocratique, y compris, paradoxalement, dans les pays qui se targuent de rpandre la dmocratie dans le monde et envoient des observateurs contrler les lections dans dautres pays alors quelles sont parfois biaises chez eux !

Cest dire quen cas de fraude le premier suspect est toujours, comme dans les romans policiers, justement celui qui devrait être insouponnable : lorganisateur du scrutin. Cest pourquoi la fraude est plus souvent pratique par la majorit sortante, par le pouvoir en place qui cherche à sauver sa position, non parce que lopposition serait plus vertueuse mais parce que la fraude lui est plus difficile dailleurs, dans de nombreux cas, ces oppositions, une fois parvenues au pouvoir, pratiquent elles aussi les mêmes mthodes.

7 Vers un indicateur global de la fraude lectorale

Si la fraude constitue un indicateur prcieux de ltat de la dmocratie, peut-on concevoir la confection dun  indicateur de fraude  (ou dun indicateur de loyaut du scrutin si lon prfère une version plus positive) de la même manière quexistent des indicateurs de richesse (le Produit Intrieur Brut, par exemple), de sant publique, de niveau dducation (le programme PISA par exemple), voire même de bonheur de la population (cest un tel indicateur de bonheur quAmartya Sen et Joseph Stiglitz ont t chargs de concevoir à la demande, en France, du prsident Sarkozy) ? Certainement oui, mais avec les mêmes difficults que pour lindicateur construit par Transparency International à propos de la corruption politique. Il pourrait se baser sur un certain nombre de questions, par exemple :

-existe-t-il des phnomènes de fraude ?

-sagit-il de fraudes localises ou de fraudes gnralises ?

-combien en compte-t-on ?

-les rsultats des lections sont-ils contests par certains partis ?

-Y a-t-il des indices de participation des autorits à des fraudes ?

-la population est-elle ou non tolrante face à des fraudes ?

-les fraudes sont-elles historiquement continues ?

-quelles sont les techniques employes ?

-comment les contentieux lectoraux sont-ils arbitrs ?

-y a-t-il des instances de contrle du scrutin indpendantes ?

-ces instances rendent-elles des jugements tendant à annuler les lections en cas de fraude ?

-quelle est la jurisprudence à cet gard ?

-accepte-t-on des observateurs indpendants (OSCE, presse internationale, etc) ?

Cest une première liste, videmment non limitative, et qui demande non seulement à être complte, dtaille, prcise, mais aussi à être pondre comme cest la règle pour tout indicateur. On le sait, le poids respectif accord aux diffrents items dtermine en ralit le rsultat final, surtout si on recherche un rsultat le plus quantitatif possible pour assurer une objectivit plus certaine quavec un indicateur uniquement qualitatif comme cest le cas de lindicateur de corruption. Dans le cas prcis, tendre à chiffrer le phnomène reste cependant un horizon lointain, les donnes tant extrêmement incomplètes et, naturellement, plus encore dans les pays où les fraudes sont nombreuses et frquentes. Lindicateur ventuel ne pourra que mêler des donnes quantitatives (nombre de contentieux et nombre de jugements, par exemple) et des donnes qualitatives (historiques, sociologiques, etc). Cest dire que, dans un premier temps, il demeurera sommaire et critiquable. Il nen est pas moins ncessaire.

Ce que nous souhaitions faire ici tait seulement attirer lattention sur un phnomène trop souvent oubli ou cart de la rflexion et pointer un horizon possible pour une tude scientifique objective de ce phnomène. Si ces notes incomplètes peuvent y contribuer en incitant à se pencher sur le sujet et en fournissant de premières indications mthodologiques sur la matière à tudier, elles nauront pas t totalement inutiles.



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