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Les Arabes en Syrie

l'histoire



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Les Arabes en Syrie

1. – Diversité des milieux
que rencontrèrent les Arabes



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En consacrant ce chapitre et ceux qui vont suivre à l'étude des Arabes dans les divers pays qu'ils ont occupés, nous voulons donner d'abord une idée générale de leur civilisation, et montrer leur influence sur les peuples avec lesquels ils se sont trouvés en contact ainsi que celle exercée sur eux par ces derniers. Ce sera surtout par l'examen des oeuvres laissées dans chaque contrée par les Arabes que nous essaierons d'apprécier leur civilisation. Après cette vue d'ensemble, il sera plus facile d'aborder ensuite un à un dans divers chapitres, les éléments variés dont la réunion constitue une civilisation.

Lorsque les Arabes s'établirent dans les diverses contrées de l'Asie, de l'Afrique et de l'Europe qui contribuèrent à former leur gigantesque empire, ils y rencontrèrent des peuples arrivés à tous les degrés de la civilisation, depuis la demi-barbarie, comme dans certaines parties de l'Afrique, jusqu'à la civilisation grecque et latine la plus avancée, comme en Syrie.

Les conditions d'existence auxquelles se trouvèrent soumis les Arabes furent donc fort diverses suivant les lieux, et nous devons par conséquent nous attendre à voir leur civilisation elle-même s'élever, dans ces divers milieux, à des niveaux différents.

C'est là précisément ce que nous montre l'histoire de la civilisation arabe aussitôt qu'on l'aborde dans ses détails. Cette civilisation, qui dura huit siècles, et dont les historiens parlent habituellement comme s'il ne s'agissait que d'une seule époque et d'un seul peuple, comprend des phases très diverses. Architecture, littérature, scien­ces, philosophie, religion même, présentèrent dans les diverses contrées soumises à la puissance arabe des phases d'évolution notablement différentes. La religion, et la langue étant semblables, les Arabes des diverses contrées eurent un fonds commun identique ; mais on ne peut pas plus confondre entre elles les civilisations des divers pays soumis à la loi de Mahomet, qu'on ne pourrait confondre la civilisation du moyen age avec celle de la renaissance ou des temps modernes chez les peuples chrétiens.

2. - Établissements des Arabes en Syrie

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Lorsque les Arabes se montrèrent en Syrie, cette riche province était devenue romaine depuis près de sept cents ans.

Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 94

la figure # 59

Murs de Damas ; d'après une photographie.

téléchargeable sur le site web : Les Classiques des sciences sociales,
section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

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Le récit des premières luttes qui amenèrent l'occupation de la Syrie est assez confus. Les chroniqueurs arabes, tels que Wakedi, auquel on se réfère généralement, donnent de cette période des récits trop romanesques pour mériter grande confiance. Dans chacune de leurs guerres, les Arabes auraient accompli, suivant lui, des exploits dignes des héros d'Homère ; les femmes elles-mêmes se seraient signalées par leur valeur dans les combats. Quant aux historiens byzantins, ils gardent un silence prudent sur une conquête fort humiliante pour le puissant empire de Constantinople.

Quels que soient les détails de la conquête de la Syrie, il est certain qu'après une série de combats où les succès se mélangèrent d'abord aux revers, cette contrée fut entièrement soumise.

Une des premières et des plus importantes conquêtes des Arabes en Syrie fut la ville de Damas. Cette cité célèbre devait bientôt, sous les premiers khalifes Ommia­des, dépouiller Médine de son titre de capitale de l'empire.

Ce fut la treizième année de l'hégire (634 de J.-C.), le jour même de la mort du khalife Abou-Bekr, le premier successeur de Mahomet, que les Arabes s'emparèrent de Damas : « Adieu la Syrie ! » s'écria Héraclius, quand il apprit cette perte.

La Syrie était perdue, en effet. Après la bataille d'Yarmouk, qui dura trois jours, et où les Byzantins furent défaits, les Arabes s'emparèrent successivement de toutes les villes de la Syrie : Palmyre, Baalbeck, Antioche, Tibériade, Naplouse, Jérusalem, Tyr, Tripoli, etc., tombèrent entre leurs mains. L'empereur dut quitter pour toujours la Syrie, que ses prédécesseurs occupaient depuis sept siècles.

Parmi les villes dont s'emparèrent les Arabes, Jérusalem fut celle dont la prise eut le plus de retentissement. Les disciples du prophète attachaient une importance très grande à la possession de cette cité, qui était aussi sacrée pour eux que pour les chré­tiens. Elle avait, en effet, vu mourir Jésus, un des plus grands prophètes de l'islamis­me, et renfermait le fameux rocher d'où Mahomet était parti pour le ciel.

Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 95

la figure # 60

Faubourg du Meidan à Damas ; d'après une photographie de l'auteur.

téléchargeable sur le site web : Les Classiques des sciences sociales,
section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

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L'attaque de la ville sainte par les Arabes fut aussi énergique que sa défense. Stimulés par le patriarche Sophronius, les chrétiens disputèrent avec vigueur le tom­beau de leur Dieu ; mais il était écrit qu'ils n'empêcheraient pas l'emblème de l'Isla­misme de remplacer la croix sur le tombeau du Christ. Après quatre mois de siège, Sophronius dut capituler. Il mit comme condition de la capitulation que la ville serait rendue au khalife Omar en personne, et cette condition fut acceptée. Omar quitta Médine, presque seul, monté sur un chameau, et n'ayant pour tout bagage qu'une outre pleine d'eau et un sac contenant de l'orge, du riz et des fruits secs. Il marcha nuit et jour pour arriver à Jérusalem. Introduit dans la ville, il montra la plus grande tolérance envers ses habitants, leur laissa leur religion, leurs usages et leurs biens, et ne leur imposa qu'un faible tribut.

Les Arabes firent preuve de la même tolérance envers toutes les villes de la Syrie ; aussi les habitants acceptèrent-ils bientôt avec empressement leur domination. Ils finirent même, la plupart, par renoncer au christianisme pour adopter la religion de leurs conquérants et apprendre leur langue. Depuis cette époque, la Syrie a plusieurs fois changé de maitres, mais la religion et la langue des Arabes y sont aussi vivantes qu'aux premiers temps de leur conquête.

Les défaites répétées des Byzantins en Syrie avaient fini par leur inspirer une terreur profonde. Les Arabes en étaient arrivés à les traiter avec le plus insolent mépris. On peut en juger par la lettre suivante qu'Omar écrivit un jour à l'empereur Héraclius pour lui réclamer un de ses généraux fait prisonnier dans une rencontre :

« Au nom de Dieu clément, miséricordieux. Louange à Dieu, maitre des mondes. Que la bénédiction de Dieu soit sur son prophète ! Le serviteur de Dieu Omar, à Héraclius, empereur des Grecs. Dès que vous aurez reçu cette lettre, ne manquez pas de me renvoyer le prisonnier musulman qui est auprès de vous, et qui se nomme Abd-Allah-Ebn-Hodafah. Si vous faites cela, j'aurai l'espérance que Dieu vous conduira dans le droit chemin. Si vous le refusez, j'aurai soin d'envoyer contre vous des gens que le négoce et la marchandise ne détournent pas du service de Dieu. Que la santé et le bonheur soient sur celui qui marche dans le droit chemin ! »

Loin de s'indigner de cette dure épitre, l'empereur rendit le prisonnier et lui remit d'importants présents pour le khalife. Les maitres de Constantinople étaient pourtant les héritiers de ces guerriers redoutés qui avaient autrefois conquis le monde ; mais les sentiments qui avaient assuré leur grandeur étaient morts depuis longtemps.

Lorsque la conquête de la Syrie fut entièrement terminée, Omar retourna à Médine, organisa son nouvel empire, et laissa à ses généraux le soin d'étendre ses conquêtes. Les richesses prises sur les Grecs et les Perses étaient telles, qu'il fit distribuer à tous ses compagnons des revenus annuels variant trente mille et cinq mille dirrhems, suivant l'ancienneté de leurs services.

3. - Civilisation de la Syrie sous les arabes

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La Syrie recouvra bientôt, sous les Arabes, une prospérité dont elle avait perdu depuis longtemps le souvenir. Sous les Ommiades et les premiers Abassides, elle fut un des pays où la civilisation atteignit le plus grand développement. Les nouveaux maitres traitaient leurs vaincus avec une grande équité et leur laissaient la liberté religieuse la plus complète. Sous leur bienveillante protection, les évêques grecs et latins jouissaient d'une tranquillité qu'ils n'avaient jamais connue. Toutes les grandes villes de la Syrie : Jérusalem, Tyr, Sidon, Damas, redevinrent bientôt florissantes ; l'industrie et l'agriculture, extrêmement prospères.

La Syrie a toujours été un des plus riches pays du monde, tant que l'homme ne la ravagea pas. La terre y donnait autrefois, presque sans culture, le froment, le coton, l'orge, le riz, le mûrier, l'olivier, le citronnier et l'oranger. Les montagnes du Liban étaient recouvertes des arbres les plus précieux : chênes, platanes, sycomores, etc. Sans l'homme, cet antique foyer de tant de luttes serait un véritable paradis terrestre, et justifierait son titre de « terre promise » des Hébreux. Pays merveilleux où, suivant un poète arabe, « chaque montagne porte l'hiver sur sa tête, le printemps sur ses épaules, l'automne dans son sein, tandis que l'été dort nonchalamment à ses pieds. »

Les preuves de l'état de la civilisation en Syrie sous les Arabes nous sont fournies par les récits des écrivains et les monuments qui existent encore.

Les écrits des historiens montrent qu'aussitôt que la conquête fut terminée, la civi­lisation prit un vif essor. Les Arabes se passionnèrent bientôt autant pour les auteurs grecs et latins qu'ils s'étaient passionnés pour les batailles. Les écoles se multiplièrent partout. D'écoliers ils devinrent bientôt des maitres, et les sciences, la poésie et les beaux-arts furent cultives avec éclat.

Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 96

Planche couleurs # 4

SANCTUAIRE DE LA MOSQUÉE AL ACZA À JÉRUSALEM

D'après une photographie et une aquarelle du Dr Gustave Le Bon

téléchargeable sur le site web : Les Classiques des sciences sociales,
section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

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La prospérité de la Syrie dura jusqu'aux divisions qui ébranlèrent l'empire des khalifes. Elle commença alors à décroitre, mais ne s'éteignit entièrement que quand cette contrée tomba sous l'empire des Turcs. La ruine fut alors absolue. La plupart des merveilles du luxe, des arts et de l'industrie accumulées par les Arabes disparurent. D'anciennes métropoles, comme Tyr et Sidon, devinrent bientôt de misérables villages. Les montagnes furent dénudées entièrement. Les campagnes autrefois si riches se dépeuplèrent. Dans ces lieux, jadis si fertiles, l'herbe ne pousse plus depuis que la main des Turcs s'est appesantie sur eux. « En vain, écrit M. David dans son histoire de la Syrie, la civilisation des khalifes avait-elle accumulé, en deux siècles, autant de merveilles que les Grecs et les Romains une architecture délicieuse, un luxe éblouissant, une langue pittoresque, une grammaire chef-d'œuvre de logique, une poésie, chef-d'œuvre d'éloquence ; en vain Damas trempait-il ses aciers les plus fins ; en vain Alep filait-il ses soies les plus éclatantes ; en vain le Hauran voyait-il ses collines reprendre leur parure, ses arbres leurs fruits d'or, sa population son industrieuse activité ; les hordes caucasiennes, plus ignorantes, plus farouches, plus avides que tous les anciens conquérants, incendièrent sans remords les monuments de l'art et de la science, détruisirent les manufactures, massacrèrent les ouvriers et pulvérisèrent ce qu'elles ne pouvaient emporter. »

La Syrie n'est plus aujourd'hui qu'une terre désolée et stérile. L'excessive rareté de la végétation m'a vivement frappé lorsque je l'ai visitée. Il semble que cette terre, jadis si fertile, soit devenue si pauvre qu'elle ne puisse plus nourrir quelques brins d'herbes. J'ai parcouru cette longue route qui s'étend de Beyrouth à Damas sans rencontrer ailleurs qu'aux portes mêmes des villes des traces de végétation. Le Liban et l'Anti-Liban ne sont que des masses de rochers absolument nus. Aux portes mêmes de Jérusalem, la désolation n'est pas moins grande. Des pierres et des rochers partout, de l'herbe nulle part 



Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 97

la figure # 61

Rue de Damas ; d'après une photographie.

téléchargeable sur le site web : Les Classiques des sciences sociales,
section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

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4. - Monuments laissés par les Arabes
en Syrie

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Les monuments laissés par les Arabes en Syrie ne sont pas bien nombreux ; mais comme ils sont anciens et forts remarquables, leur étude présente un intérêt très grand.

Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 98

la figure # 62

Cour de la grande mosquée de Damas ; d'après une photographie.

téléchargeable sur le site web : Les Classiques des sciences sociales,
section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

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Nous avons montré qu'avant Mahomet, les Arabes possédaient les villes impor­tantes, et que le fameux temple de la Mecque, où figuraient plus de trois cents statues de dieux, était bien antérieur à l'islamisme. Nous ignorons malheureusement ce qu'était cette architecture, car la mosquée de la Mecque, le seul monument important de l'ancienne Arabie actuellement connu, a été tellement restaurée, qu'il est difficile de dire ce qu'elle fut d'abord. La seule indication probable, c'est qu'une partie de son ordonnance primitive a été respectée.

Quoi qu'il en soit, il est certain que les monuments arabes des premiers temps de l'islamisme ne furent pas construits par les Arabes. Les modifications qu'ils firent d'abord subir aux églises pour les adapter à leur culte, ou les monuments qu'ils cons­truisirent avec les débris de ces églises, furent exécutés par les ouvriers des pays où ils dominaient. Les ouvriers persans et byzantins furent ceux qu'ils eurent le plus fréquemment occasion d'employer en Syrie, en attendant de s'être formés eux-mêmes.

Les Arabes se trouvaient, à l'égard des architectes étrangers qu'ils employèrent pendant les premiers temps de leur conquête, dans la condition d'un riche particulier qui fait élever à ses frais une construction quelconque. Quel que soit l'architecte employé, elle portera forcément les traces du goût de son propriétaire. Les architectes byzantins durent naturellement obéir au goût des Arabes. Dès les premiers monu­ments qu'ils construisirent, l'action de leur génie se révéla nettement. Bientôt dégagée des influences étrangères, la plastique arabe affecta des formes tellement spéciales et des motifs de décoration tellement caractéristiques, qu'il devint impossible de la confondre avec d'autres. Les détails de décoration pourront être byzantins, persans ou hindous, mais l'ensemble du monument lui-même portera toujours son cachet arabe.

Examinons maintenant quelques-uns des monuments les plus importants laissés en Syrie par les Arabes.

Mosquée d'Omar. - La célèbre mosquée d'Omar, à Jérusalem, est pour les maho­métans le lieu le plus sacré de la terre après la Mecque et Médine ; et, jusqu'à ces dernières années, aucun Européen ne pouvait, sous peine de mort, y pénétrer. Elle fut un des monuments qui frappèrent le plus les croisés quand ils entrèrent à Jérusalem. Ils la prenaient pour le temple de Salomon restauré ; et sa réputation devint si grande en Europe que plusieurs églises s'édifièrent sur le modèle de cette mosquée. Elle est peut-être le seul monument religieux également sacré pour les mahométans, les juifs et les chrétiens.

La mosquée d'Omar est construite sur l'emplacement du temple célèbre de Salomon, réédifié par Hérode, et dont Titus put un instant admirer la splendeur pen­dant qu'il essayait de le soustraire aux flammes. C'est sur le rocher sacré qu'elle abrite aujourd'hui, qu'Abraham s'apprêtait, suivant la tradition, à immoler son fils pour obéir au Seigneur. Peu d'endroits au monde réunissent donc autant de souvenirs et aucun lieu sans doute ne vit de cultes plus divers : Salomon y adora le puissant dieu des juifs ; les Romains y vénérèrent le grand Jupiter, roi des dieux et des hommes ; les croisés y placèrent l'image du Christ ; et aujourd'hui les disciples du Coran y adorent le dieu dont Mahomet fut le prophète.

Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 100

la figure # 63

Minaret de Jésus (grande mosquée de Damas).

téléchargeable sur le site web : Les Classiques des sciences sociales,
section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

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Mais la mosquée d'Omar n'est pas intéressante seulement à raison des souvenirs évoqués par elle ; c'est une oeuvre d'art des plus remarquables, et certainement le monument le plus frappant de toute la Palestine.

Elle est située sur une vaste esplanade de près de 500 mètres de longueur, dont la superficie occupe presque le quart de Jérusalem, et est entourée d'une enceinte, nom­mée par les Arabes Haram ech chérif, qui renferme plusieurs constructions importan­tes, la mosquée El Aksa, notamment.

Les recherches de l'archéologie moderne ont nettement prouvé que la surface du Haram est formée par le sommet du mont Moriah que Salomon nivela et prolongea par des remblais pour y édifier son temple. Les rois de Juda, et notamment Hérode, agrandirent cette enceinte à plusieurs reprises. Le rocher sacré, qui se trouve au centre de la mosquée, est probablement le sommet même du mont Moriah qui fut respecté par le roi Salomon dans ses nivellements.

La mosquée d'Omar repose sur une plate-forme rectangulaire en marbre, élevée de 3 mètres au-dessus de la surface du Haram. Elle occupe l'emplacement précis du temple d'Israël. On y accède par plusieurs escaliers de quelques marches surmontés d'arcades ogivales soutenues par des colonnes de marbre d'un fort bel effet.

Toute la plate-forme du Haram est parsemée de petites constructions diverses : chaires à prêcher, niches à prières, etc., dont quelques-unes sont fort curieuses.

C'est par erreur qu'on donne généralement en Europe le nom de mosquée d'Omar à ce monument. Ce n'est pas en effet une mosquée, et elle ne fut pas construite par Omar. Ce khalife resta très peu de temps à Jérusalem, et ne fit qu'indiquer la place où il voulait faire édifier un temple. Sa construction, d'après les recherches de M. de Vogué, remonte à l'an 72 de l'hégire (691 de J.-C.), date très postérieure à Omar. Les Arabes ne la désignent que sous le nom de Koubbet es Sakhra, c'est-à-dire coupole du rocher. Elle peut être considérée en effet comme une immense coupole recouvrant le rocher sacré dont nous avons parlé.

Cet antique monument de l'Islam rappelle par son ensemble le style byzantin, mais il a été restauré et complété par des souverains musulmans d'époques très va­riées ; aussi présente-t-il de remarquables spécimens de l'art arabe à diverses périodes 

La forme de la mosquée d'Omar est octogonale ; on y pénètre par quatre portes, dont chacune regarde un des points cardinaux.

Ses parois sont revêtues de marbre à leur partie inférieure, et de plaques de faïen­ce émaillé, formant d'admirables dessins, à partir d'une certaine hauteur. Ces plaques, d'origine persane, sont d'une époque très postérieure à la construction de la mosquée : elles datent en effet du temps de Soliman le Magnifique (1561 de J.-C.).

Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 101

la figure # 64

École et maitre d'école, à Damas ; d'après une photographie de l'auteur.

téléchargeable sur le site web : Les Classiques des sciences sociales,
section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

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Lorsque le soleil darde ses rayons sur ce monument, les plaques émaillées dont il est recouvert brillent comme des pierres précieuses, et lui donnent un aspect vérita­blement magique. Rien dans les sombres murailles de nos édifices européens ne peut être comparé aux éclatants et chatoyants reflets des murs de cette mosquée. L'effet est fantastique. Involontairement, on se prend à songer à ces palais enchantés qu'on entre­voit parfois en rêve ; mais pour la mosquée d'Omar, le rêve est au-dessous de la réalité.

Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 102

la figure # 65



Mosquée d'Omar (temple de Jérusalem) ; d'après une photographie de l'auteur.

téléchargeable sur le site web : Les Classiques des sciences sociales,
section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

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Son plan intérieur est très simple. Deux enceintes octogonales concentriques entourent une sorte de balustrade circulaire disposée autour du rocher sacré, placé lui-même au centre de l'édifice.

L'ornementation intérieure du monument est d'une grande richesse. Les fûts des colonnes de la première enceinte sont des monolithes de marbre de formes et de hau­teurs différentes provenant d'édifices plus anciens. Les chapiteaux ont également des formes assez différentes et remontent, la plupart, aux débuts de l'époque byzantine. Les murs sont ornés à leur partie supérieure de splendides mosaïques, qu'on suppose du dixième siècle. La base de la coupole est entourée d'une large bande sur laquelle on lit, en lettres d'or, des inscriptions arabes en caractères koufiques composées de versets du Coran relatifs à Jésus-Christ.

La coupole du monument fut refaite en l'an 1022, et par conséquent en pleine époque de la floraison de l'art arabe. Son ornementation intérieure est splendide : elle est recouverte de peintures et de mosaïques, et les dessins compliqués de l'art arabe s'y enchevêtrent à l'infini.

Tout l'intérieur de la mosquée est d'un luxe extrême. Ses parois sont recouvertes d'émaux, de mosaïques, de dorures, de plaques de bronze repoussé. Les fenêtres sont ornées de vitraux du seizième siècle composés de morceaux de verres de couleurs assemblés avec du platre, et non avec des lames de plomb comme en Europe. Il résul­te de cet assemblage des effets d'ombre et de lumière bien supérieurs à ceux produits par les vitraux de nos cathédrales.

Au centre de la mosquée d'Omar se trouve le fameux rocher sacré, l'el Sakhra, comme disent les Arabes, sur lequel Melchisédech, Abraham, David et Salomon auraient fait des sacrifices.

Il parait démontré aujourd'hui que ce rocher est bien, comme nous le disions plus haut, le sommet même du mont Moriah, respecté par Salomon dans le nivellement de la montagne. Déjà sacré de son temps, il servit sans doute d'autel dans son temple.

Le rocher sacré a 17 mètres dans sa plus grande longueur et s'élève à 2 mètres au-dessus du sol ; il est entouré d'une grille de fer du temps des croisades. Dans une grotte située au-dessous, on montre des endroits où auraient prié David et Salomon.

Suivant la tradition arabe, c'est du sommet d'un rocher sacré qu'est parti Mahomet, sur la monture fantastique dont nous avons parlé, pour aller converser avec Dieu. La réalité de la tradition est prouvée clairement par la présence de la selle de marbre de l'animal encore incrustée dans la voûte. Ce n'est au surplus que par un pur hasard que le rocher est demeuré en place, car il tenait absolument à accompagner Mahomet dans son voyage, et il fallut l'intervention de l'ange Gabriel pour le retenir. Ce dernier n'arriva malheureusement que quand le monolithe avait déjà quitté la terre et s'était élevé de quelques mètres. Ne pouvant aller au ciel et ne voulant pas reprendre sa position primitive, le rocher resta en l'air et s'y maintient depuis cette époque sans reposer sur rien. Cette tradition est répétée fidèlement aux visiteurs, mais le cheik de la mosquée, avec lequel j'eus l'occasion de causer fréquemment pendant les longues heures consacrées à étudier ce monument et que je consultai sur la question de savoir si le rocher sacré restait réellement suspendu en l'air sans point d'appui, me parut faiblement convaincu de l'exactitude de la tradition. Il paraitrait même que le pacha actuel de Jérusalem aurait défendu de relater devant des chrétiens toutes ces légendes.

Le dôme de la mosquée d'Omar est surmonté d'un gigantesque croissant.

Dans l'enceinte même du Haram, en face de la mosquée d'Omar, se trouve une belle chaire arabe en marbre blanc, surmontée d'un petit dôme supporté par des arceaux en fer à cheval : on lui donne le nom de chaire d'Omar, mais son seul aspect indique qu'elle est bien postérieure à ce khalife. Sa construction est en effet du quin­zième siècle.

Parmi les constructions remarquables que contient l'enceinte du Haram, je citerai encore le petit édifice appelé Koubbet es Silseleh (le dôme de la chaine), ou tribunal de David : c'est un gracieux kiosque de pierre, de style byzantin, recouvert de faïences persanes. La tradition rapporte que David avait son tribunal dans cet endroit.

Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 104

la figure # 66

Intérieur de la mosquée d'Omar ; d'après une photographie de l'auteur.

téléchargeable sur le site web : Les Classiques des sciences sociales,
section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

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Mosquée el Aksa - Dans l'enceinte même du Haram se trouve la mosquée el Aksa, également fort ancienne. C'est une basilique chrétienne, construite par l'empe­reur Justinien en l'honneur de la sainte Vierge, et dont les Arabes, d'après l'ordre d'Omar, ont fait une mosquée. Détruite par un tremblement de terre, elle fut recons­truite en 785, et complétée à diverses époques par des modifications qui lui ont donné de plus en plus, - du moins dans les détails - le caractère arabe. Elle fut restaurée par Saladin en 583 de l'hégire (1187 de J.-C.). D'autres parties, comme le porche, ont été refaites au quinzième siècle.

L'intérieur de cette mosquée contient des colonnes empruntées à divers monu­ments, les nefs centrales sont byzantines, et probablement du septième siècle. Les arcades sont généralement ogivales. El-Aksa fut habitée par les croisés, et renferme une galerie qui servit de salle d'armes aux chevaliers du Temple.

La mosquée el Aksa renferme un mihrab fort joli, tapissé de mosaïques, construit comme le dit l'inscription qui le surmonte sous Saladin en 583 de l'hégire (1187), et une chaire merveilleuse en bois sculpté incrusté d'ivoire et de nacre, exécutée en 564 de l'hégire (1168), d'après l'inscription dont elle est ornée. Les vitraux des fenêtres qui surmontent le mihrab sont du seizième siècle. Dans les parties latérales de la mos­quée, on voit deux niches à prière, assez curieuses. L'une à colonnes torses et à arcades ogivales, est nommée oratoire d'Omar, et on assure qu'elle a servi de lieu de prière à ce khalife ; l'autre est désignée habituellement sous le nom d'oratoire de Zacharie. 

Autres monuments arabes de Jérusalem - Les autres monuments arabes de Jérusalem sont beaucoup moins importants, et nous ne mentionnerons parmi eux que la belle porte de Damas, construite, ou plutôt restaurée par Soliman, en 944 de l'hégire (1537 de J.-C.)

En dehors des monuments dont je viens de parler, et d'un très petit nombre d'autres, comme le Saint-Sépulcre  , Jérusalem ne possède guère que des édifices modernes. L'influence des Européens y est aujourd'hui très grande, et tend de plus en plus à lui enlever son ancien cachet oriental.

Quand on approche de la ville sainte par la route de Jaffa, on éprouve une désillu­sion très vive. Les constructions européennes : couvents, hôpitaux, consulats, etc., sont si nombreuses, qu'on se croirait dans la banlieue d'une grande ville. Ce n'est que contemplée de certains points, et notamment du haut de la montagne des Oliviers, que Jérusalem présente, avec ses dômes, ses minarets, ses maisons à terrasse, sa ceinture, ses murs et ses tours crénelées, un aspect vraiment imposant.

Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 106

la figure # 67

Plafonds de la première galerie intérieure de la mosquée d'Omar ; d'après une photographie

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section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

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Les souvenirs dont l'antique cité est pleine suffiraient du reste à eux seuls à en faire un objet de vénération pour les pèlerins venus des plus lointaines contrées du globe. Quelle magie dans ces souvenirs et quelle émotion profonde doivent éprouver les ames imprégnées des vieilles croyances, en visitant des lieux comme le Saint-Sépulcre, les mont des Oliviers, le torrent de Cédron, la vallée de Josaphat, le tom­beau de la Vierge, la sépulture des rois de Juda, la voie sacrée, la montagne de Sion et bien d'autres dont les environs sont remplis ! Qu'il soit sceptique ou croyant, le visiteur ne saurait contempler d'un oeil indifférent cet antique foyer de l'une des plus puissantes religions qu'ait connues le monde. La grande ombre du Christ semble planer encore sur la cité qui le vit mourir, et tout y est plein de son nom.

Il ne faut pas sans doute projeter d'une façon trop vive les froides lueurs de l'analyse sur ces lieux vénérés, car leur prestige diminuerait bien vite. Les emplace­ments que la tradition a consacrés n'ont été consacrés par elle qu'à une époque où l'imagination seule, guidée par une foi ardente, pouvait retrouver des traces dont le souvenir s'était effacé depuis longtemps. Ce jardin des Oliviers fut-il celui ou Jésus déplora l'amertume de sa destinée ? Cette voie sacrée fut-elle bien celle qu'il suivit pour aller au calvaire ? Ce sépulcre que toute la chrétienté vénère, fut-il bien celui où le corps fut déposé après sa mort ?

L'archéologie moderne est sévère dans ses réponses à toutes ces questions. Elle montre que la Jérusalem actuelle se trouve à plusieurs mètres au-dessus de l'ancienne ville ; qu'elle a été construite sur les monceaux de ruines de l'antique cité entièrement détruite par Titus, et qu'il n'y a vraiment aucun moyen de reconstituer exactement son ancienne topographie. Mais la croyance suffit au croyant. L'homme ne vénère guère en définitive que des fictions, et les plus anciennes sont les plus respectables, parce qu'elles sont les plus respectées.

Tour arabe de Ramleh Parmi le petit nombre d'anciens monuments arabes que possède la Syrie, je mentionnerai encore la tour située auprès de la petite ville de Ramleh, entre Jaffa et Jérusalem.

La tour de Ramleh est désignée par les Arabes sous le nom de Tour des quarante martyrs. Ils assurent que quarante mahométans victimes de leur foi y furent enterrés.

Cet édifice est un bel échantillon de l'architecture sarrazine. Sa forme est carrée. Il prend jour par des fenêtres ogivales. On arrive à son sommet par un escalier de cent vingt marches en très bon état, sauf les dernières.

On a considéré la tour de Ramleh comme une oeuvre des croisés, et, en effet, elle rappelle bien le style importé par eux en Europe, mais son origine arabe n'est pas dou­teuse : elle est prouvée, non seulement par certains détails, d'architecture, mais encore par une inscription parfaitement conservée, et qui indique qu'elle fut construite en 700 de l'hégire (1310 de J.-C.). Cette inscription concorde avec les indications données par un historien arabe, qui nous apprend que la tour fut construite par le fils du sultan Kalaoum. La disposition de la pierre sur laquelle est gravée l'inscription est du reste telle, qu'il me semble impossible qu'elle ait été ajoutée après coup.

Monuments arabes de Damas - En parlant des Arabes avant Mahomet, nous avons vu qu'en ces temps reculés où blanchit l'aube de l'histoire, Damas était déjà l'entrepôt commercial de l'Orient. Les Arabes la connaissaient, bien des siècles avant Mahomet ; car elle était une des villes où ils apportaient les produits de leur pays. C'était pour eux le paradis du monde. Elle était alors, comme elle l'est encore aujourd'hui, une des plus imposantes cités du globe - la lumière de l'Orient -, ainsi que le disait l'empereur Justinien.

L'importance de Damas était si grande que les Arabes en firent la capitale de leur empire, titre qui appartenait d'abord à Médine et qui ne fut donné que bien plus tard à Bagdad.

Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 108

la figure # 68

Mihrab de Zacharie, dans la mosquée El-Akza ; d'après une photographie de l'auteur.



téléchargeable sur le site web : Les Classiques des sciences sociales,
section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

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Tant qu'elle resta la capitale de l'empire arabe, et même longtemps après, Damas fut le grand centre commercial, scientifique et industriel de l'Orient : son école de médecine, son observatoire astronomique, ses palais, ses mosquées étaient célèbres dans le monde entier.

Cette vieille cité, contemporaine des Pyramides, où ont régné les Assyriens, les Mèdes, les Égyptiens, les Perses, les Grecs, les Romains, les Arabes et les Turcs, est encore debout ; mais les sacs et les incendies ont détruit la presque totalité de ses monuments.

Bien que les Arabes n'en soient plus les maitres, leur religion, leurs coutumes et leur langue y règnent encore ; et elle est peut-être une des villes du monde qui possè­de le plus le cachet arabe. Alors que tout le reste de la Syrie a subi l'influence européenne, Damas, où l'Européen pénètre rarement, y a entièrement échappé. Le Caire, fondé par les Arabes, et où ils régnèrent pendant de longs siècles, possède des monuments beaucoup plus importants assurément que ceux de Damas, mais la vieille cité égyptienne s'européanise chaque jour. C'est encore à Damas qu'il faut aller pour bien comprendre les mœurs de l'Orient, remonter le cours de l'histoire, et vivre dans le passé.

Vue de loin, émergeant avec ses beaux minarets d'une oasis de verdure, Damas a un aspect féérique justement vanté par tous les voyageurs, mais qui ne vaut pas cependant, suivant moi, la vue magique que présente le Caire des hauteurs de sa citadelle. « Damas offre au voyageur qui s'en approche, écrit M. David, le spectacle le plus grandiose, le plus original et le plus féérique à la fois. Au-dessous de vous apparaissent des faubourgs tout verdoyants de jardins ; ces faubourgs s'éparpillent en groupes d'arbres et de maisons, tout à travers une large plaine, et tout autour d'une enceinte de murailles la plus singulière du monde. Ces murailles, en effet, au lieu d'avoir la teinte terreuse, sale triste des fortifications occidentales, brillent au contraire de la façon la plus merveilleuse. Composés de pierres jaunes et noires, alternées de mille façons, les unes rondes, les autres carrées, d'autres triangulaires, mais toutes disposées avec art, ces remparts crénelés ont réellement l'air d'une ceinture de velours parsemée de topazes, ainsi que le disent les poètes d'Orient. Cette enceinte, d'ailleurs, n'est pas la seule qui se présente aux regards ; en voici d'autres à l'intérieur de la ville qui séparent les divers quartiers, celles-ci remarquables par les tours carrées qui les flanquent, celles-là par les ornements, sous formes de turbans, qui les surmontent. Mais ce n'est ici que le premier plan du tableau, le fond est bien plus éclatant et plus curieux encore. Il se compose de presque autant d'arbres que de maisons : ici une ligne de cyprès, c'est une promenade ; là une suite prolongée d'arcades mauresques, c'est un bazar ; puis un groupe de palmiers qui balancent leurs têtes gracieuses au-dessus du bassin en demi-cercle d'une fontaine monumentale; puis des quinconces d'arbres fruitiers dans l'intérieur d'un palais musulman ; enfin plus de mille coupoles avec leurs croissants de cuivre à leur sommet, et leurs minarets sur leurs flancs. Ce labyrinthe de terrasses fleuries, de grands arbres et de beaux jardins, produit un effet d'autant plus prestigieux que la lumière d'un soleil ardent et les reflets argentés des sept branches sinueuses de la rivière Barradah lui prêtent toute la magie des couleurs. C'est Damas, Al-Cham, comme l'appellent les Arabes, en lui donnant le nom de la Syrie elle-même. »

Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 109

la figure # 69

Oratoire d'Omar dans la mosquée El-Aksa ; d'après une photographie de l'auteur.

téléchargeable sur le site web : Les Classiques des sciences sociales,
section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

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Quand on entre dans la ville, le coup d’œil est d'abord peu enchanteur, du moins pour un Européen, car Damas est toujours restée pour l'Arabe, la perle de l'Orient. Des rues tortueuses et malpropres, bordées de maisons délabrées aux murailles de boue et de paille ; une poussière aveuglante dont on ne peut se faire une idée sans l'avoir vue, produisent d'abord une assez mauvaise impression, et cette impression ne s'efface que quand on commence à s'acclimater.

Le commerce considérable que fait Damas avec le reste de l'Orient lui donne une animation très grande et un cachet oriental tout spécial. Elle reçoit, par les caravanes venues de Bagdad, les produits de la Perse et de l'Inde, et leur envoie ses célèbres soieries, ses étoffes, ses maroquins, ses cuivres incrustés d'argent.

C'est à Damas qu'il faut aller, je le répète, pour contempler le véritable Orient avec ses éblouissantes couleurs. Les rues de l'antique cité, son curieux bazar, y offrent le plus intéressant et le plus changeant des spectacles. On peut y voir défiler en quelques heures tous les peuples de l'Orient : Persans aux bonnets de fourrures, le poignard à la ceinture ; Syriens vêtus de manteaux rayés en forme de dalmatique, le front ceint d'un kouffieh retenu par une corde en poils de chameau ; femmes arabes enveloppées des pieds à la tête d'un voile blanc sous les replis duquel scintillent des yeux ardents ; Damasquins couverts d'une robe de soie noire et jaune serrée à la ceinture, le fez rouge ou le turban blanc sur la tête ; soldats turcs, le cimeterre à côté, pèlerins de la Mecque fièrement drapés dans leurs haillons ; cawas consulaires dont l'uniforme bleu disparait sous les broderies, et qui s'avancent gravement, la courbache à la main ; fonctionnaires ottomans sanglés dans la redingote du Nizam ; guerriers druses à la mine altière, la ceinture hérissée d'armes et montés sur de magnifiques chevaux, dont les selles de maroquin écarlate brodées d'or et d'argent scintillent au soleil ; longues files de chameaux pesamment chargés qu'escortent des marchands venus de Caramanie, de l'Anatolie ou des bords de l'Euphrate : Kurdes, Bédouins, Arméniens, Maronites, juifs et jusqu'à des Grecs de l'Archipel. Toute cette foule bigarrée forme un inextricable fouillis de couleurs éclatantes où se retrouvent toutes les nuances de l'arc-en-ciel, alors que sur les visages se rencontrent toutes les teintes comprises entre le blanc rose le plus clair et le noir d'ébène le plus intense.

Lorsque, du divan d'un café arabe, je contemplais à travers la fumée de mon narghilé ce kaléidoscope étrange, il me semblait par moment qu'une puissance magi­que avait évoqué pour un instant du sein des ombres toutes les populations asiatiques des temps passés. À Constantinople, sur le pont qui va de Galata à la rive opposée de la Corne d'Or, j'ai vu un spectacle aussi varié peut-être, mais l'élément européen y domine de plus en plus : on y rencontre un mélange de tous les peuples du monde, on n'y trouve plus l'Orient.

Dans l’édition papier de 1980

apparait à la page 111

la figure # 70

Tour de Ramleh ; d'après une photographie.

téléchargeable sur le site web : Les Classiques des sciences sociales,
section Auteurs classiques : Gustave Le Bon (1841-1931) :
La civilisation des Arabes (1884).

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L'amateur du pittoresque, l'artiste et l'archéologue séjourneront longtemps avec délices à Damas. Il y aurait tout un volume à faire avec les débris d'architecture qu'on peut y observer ; mais ils tombent chaque jour en ruines et bientôt on ne les y verra plus. Dans le faubourg de Meidan, à l'entrée de la route qui va à la Mecque, on ren­contre à chaque pas des ruines de mosquées, fontaines, monuments divers qui, bien que ne comptant pas certainement plus de deux ou trois siècles d'existence présentent, en raison du respect des Arabes pour les traditions, des motifs d'ornementation très anciens, et où l'influence persane apparait fréquemment.

Ce n'est guère qu'à Damas également qu'on peut observer encore des palais construits d'après d'anciens modèles arabes, et qui, par le goût et le sentiment du confort, me semblent devoir être placés au dessus de nos appartements européens les plus luxueux. Ils subissent malheureusement la loi commune des choses et disparais­sent aussi.

J'aurai occasion d'étudier dans un autre chapitre un des palais dont je viens de parler et je ne mentionnerai maintenant parmi les monuments de Damas que le seul édifice vraiment ancien, sa grande mosquée.

Élevée sur l'emplacement d'un temple païen, devenu église chrétienne, elle remonte, au moins en partie, aux premiers temps de l'hégire. Reconstruite après un incendie qui la détruisit en 1069 de notre ère (461 de l'hégire), elle est très inférieure aujourd'hui à ce qu'elle fut autrefois, très inférieure surtout aux mosquées du Caire.

La grande mosquée de Damas est construite sur le même plan que les premières constructions analogues de l'islamisme et se compose comme elles d'une grande cour rectangulaire à portiques, dont un côté est occupé par le sanctuaire et les angles par les minarets. Dans le chapitre consacré aux Arabes en Égypte nous aurons à décrire plusieurs monuments du même type.

Suivant les historiens arabes, le bas des murs de la primitive mosquée était cou­vert des marbres les plus rares ; le haut des murs, de même que la coupole, de mosaï­ques ; le plafond était en bois doré, et six cents lampes d'or y étaient suspendues ; les niches à prières étaient garnies de pierres fines.

La plus grande partie de cette ornementation a disparu. Les murs sont recouverts maintenant de belles inscriptions, et les fenêtres garnies de vitraux de couleurs. On voit encore sur quelques points des traces d'anciennes mosaïques.

La mosquée possède trois minarets ; deux sont carrés, le troisième fort gracieux, est octogonal à galeries superposées et se termine en haut par une boule et un croissant. L'un des minarets, celui dit de la Fiancée, passe pour un des plus anciens qui existent, car l'on croit qu'il a été construit au premier siècle de l'hégire. L'autre de forme carrée, porte le nom de minaret de Jésus, parce que Jésus doit, suivant la tradition arabe, descendre sur son sommet le jour du jugement dernier.

L'esquisse qui précède nous montre que dès le début de leurs conquêtes, les Arabes, bien différents en cela des peuples conquérants qui devaient leur succéder, respectèrent toutes les oeuvres créées avant eux et ne songèrent qu'à utiliser la civilisation déjà existante et à la faire progresser. Très ignorants tout d'abord, ils surpassent bientôt leurs maitres. La tactique militaire, l'emploi des machines de siège des Grecs leur étaient inconnus, mais ils apprennent vite ce qu'ils ignoraient et se montrent bientôt plus habiles que leurs adversaires. Les arts et les sciences étaient chez eux dans l'enfance ; mais les nombreuses écoles qu'ils fondent leur permettent d'égaler, puis de dépasser les peuples qui les avaient précédés. Leurs connaissances en architecture étaient nulles : ils emploient les Byzantins et les Persans comme architectes, mais en modifiant graduellement les monuments au gré de leurs senti­ments artistiques, au point de se dégager de plus en plus de toute influence étrangère et d'arriver à s'y soustraire entièrement, comme nous le verrons bientôt.



L'état misérable de l'agriculture en Syrie résulte de plusieurs causes, parmi lesquelles il faut mettre aux premiers rangs la sécheresse résultant des déboisements, les déprédations des bédouins et surtout les exactions des pachas. Le paysan, sachant que le moindre gain lui sera extorqué, renonce à tout travail. Quelques capitaux, protégés par une administration simplement demi-honnête, pourraient faire de la Syrie une contrée agricole aussi productive que les plus riches de l'Europe. Le blé, le mûrier, l'olivier y viennent admirablement et presque sans culture. Pour donner une idée de ce que le pays pourrait produire, je citerai le fait suivant que j'ai recueilli sur les lieux. Il y a environ quarante ans, quelques industriels eurent l'idée d'entreprendre à Jaffa et à Sidon de vastes exploitations d'orangers, et aujourd'hui elles sont devenues une des richesses du pays. Jaffa possède environ 350 jardins renfermant 2 à 3,000 orangers chacun. Le prix de chaque jardin est de 40 à 50,000 francs, et son rapport de 4 à 5,000 francs par an. Les oranges, qui atteignent une taille énorme, sont exportées en Égypte, en Turquie et en Europe. Leur prix de vente est d'environ 40 francs le mille. Pour montrer quelle extension pourrait prendre cette industrie, il suffira de dire que les terres aptes à la culture de l'oranger mais non plantées valent 12,000 francs l'acre près de Jaffa, et seulement quelques francs à deux ou trois heures de la ville. Des travaux d'irrigation très simples, qui seraient bien faciles avec l'eau de l'Aoudjé, rendraient des terres, sans valeur aujourd'hui, aptes à la même culture.

Dans notre description de la mosquée d'Omar, de même que dans celle des autres monuments arabes, nous sommes obligés de nous borner à des indications fort succinctes, mais suffisantes cependant pour compléter nos dessins très exacts. La plupart des monuments arabes que nous mentionnerons dans cet ouvrage exigeraient chacun au moins un volume pour être décrits complètement. M. de Vogué a consacré tout un livre à la description de la mosquée d'Omar. Il a fallu deux énormes volumes grand in-folio de planches et de texte à Owen Jones pour décrire seulement l'Alhambra, et trois volumes à Prisse d'Avesnes pour décrire les monuments du Caire. Un grand nombre de monuments arabes n'ont été encore l'objet d'aucune description détaillée, et sont simplement mentionnés, le plus souvent sans figures à l'appui, par les auteurs. C'est surtout à leur égard qu'on peut dire qu'une bonne figure remplace facilement cent pages de texte. Nous pouvons donc espérer que, grace à nos gravures, le lecteur aura des monuments arabes une idée d'ensemble suffisamment exacte. En ce qui concerne la mosquée d'Omar, notamment, les vues de son intérieur que nous donnons sont beaucoup plus fidèles que les croquis divers publiés jusqu'ici, car ce sont les premières, croyons-nous, qui aient été exécutées d'après des photographies. Des photographies seules en effet pouvaient reproduire les mille détails de l'intérieur de la mosquée, mais leur exécution était fort difficile en raison de l'inégalité excessive d'éclairage de l'intérieur du monument, et de l'impossibilité d'avoir un recul suffisant pour l'appareil. Ce n'est pas sans de grandes difficultés que nous avons réussi à obtenir celles dont la reproduction se trouve dans cet ouvrage.

Tous les dessins et planches coloriées que nous donnons des diverses parties de l'intérieur de la mosquée el Aksa et de la mosquée d'Omar ont été exécutés d'après nos photographies et n'avaient figuré encore dans aucun ouvrage. M. Malpertuy, chancelier du consulat de France à Jérusalem, nous a prêté le plus utile concours pour colorier sur place nos photographies des vitraux et du Mihrab.

La remarquable façade sud du Saint-Sépulcre présente des ogives se rapprochant du fer à cheval et des dessins géométriques qui me la feraient volontiers classer parmi les monuments arabes ou au moins parmi les monuments inspirés par le style arabe.





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